Les Joujoux de la Morte

La petite Marie est morte, Et son cercueil est si peu long Qu’il tient sous le bras qui l’emporte Comme un étui de violon. Sur le tapis et sur la table Traîne l’héritage enfantin. Les bras ballants, l’air lamentable, Tout affaissé, gît le pantin. Et si la poupée est plus ferme, C’est la faute de…

Partir c’est mourir un peu…

Partir, c’est mourir un peu, C’est mourir à ce qu’on aime : On laisse un peu de soi-même En toute heure et dans tout lieu. C’est toujours le deuil d’un vœu, Le dernier vers d’un poème ; Partir, c’est mourir un peu. Et l’on part, et c’est un jeu, Et jusqu’à l’adieu suprême C’est son…

QU’EST-CE de vostre vie, une bouteille molle

XCVIII QU’EST-CE de vostre vie, une bouteille molle Qui s’enfle dessus l’eau, quant le ciel fait plouvoir Et se perd aussi tost comme elle se fait voir, S’entre-brisant à l’heurt d’une moindre bricole : Qu’est-ce de vostre vie ? un mensonge frivole Qui sous ombre du vray nous vient à decevoir, Un songe qui n’a plus ny…

épitaphe

Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse. S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse : — Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. — Il ne naquit par aucun bout, Fut toujours poussé vent-de-bout, Et fut un arlequin-ragoût, Mélange adultère de tout. Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ; De…

Farandole des pauv’s ‘tits fan-fans morts

(Ronde parlée) Nous, on est les pauv’s tits fan-fans, les p’tits flaupés, les p’tits foutus à qui qu’on flanqu’ sur le tutu : les ceuss’ qu’on cuit, les ceuss’ qu’on bat, les p’tits bibis, les p’tits bonshommes, qu’a pas d’ bécots ni d’ suc’s de pomme, mais qu’a l’ jus d’ triqu’ pour sirop d’…

Les poilus poilus

André Fromont Mobilisés par les Puissants Déchiquetés par leur mitraille Asphyxiés par leurs gaz Massacrés Tranchés Médaillés En lambeaux Les poilus poilus Mordus par les rats Mangés par les poux Digérés par leurs généraux Sacrés Héros Sculptés Les poilus poilus Achevés par leurs artistes Battus à plâtre couture Le coup de grâce est coup de…

Une Charogne

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d’été si doux: Au détour d’un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d’exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture,…